Article paru sur le site pro.guidesocial.be le 12/11/19
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(Article reproduit avec l’accord de l’auteur)
Le Gang des vieux en colère est un mouvement citoyen apparu en 2017. Réunissant des retraités qui s’insurgent contre le système des pensions et sa future réforme, ces derniers sont descendus plusieurs fois dans la rue pour manifester leur colère.
Rencontre avec Danny Degrave, membre du mouvement depuis sa première heure.
Guide Social : Quelle est la genèse de ce mouvement citoyen ?
Danny Degrave : L’idée de créer le Gang des vieux en colère est apparu il y a deux ans. Lors d’un dîner entre amis, nous discutions de nos retraites et, une de nos connaissances nous a dit qu’il touchait seulement 600 euros. La réflexion est donc partie de là et petit à petit nous nous sommes dit qu’il fallait réagir, d’autant plus qu’à ce moment-là, les premières mesures de la réforme de la retraite à points voyaient le jour. Quand nous avons commencé à étudier ce système à points nous nous sommes rendu compte de la gravité de la situation pour nos enfants et petits-enfants qui n’auront plus rien pour leur pension.
« Non au système de pension par capitalisation »
Guide Social : Le Gang se mobilise notamment pour que tout le monde reçoive une retraite décente…
Danny Degrave : Exactement. Nous militons pour un relèvement du montant minimal de la retraite à 1.600 euros pour toutes et tous. Ce minimum a été calculé en 2019 comme le montant permettant de vivre décemment pour des personnes âgées (et encore ce montant ne permettrait pas d’accéder à une maison de retraite). De plus, il est nécessaire qu’il n’y ait pas de distinction si la personne a travaillé ou non. De plus en plus de partis politiques disent qu’ils veulent bien donner 1.500 euros seulement pour ceux qui ont eu une carrière complète. Or parfois les gens n’ont pas pu travailler à cause d’un parcours de vie particulier, par exemple la femme qui eut des enfants, les personnes qui sont devenus malades ou sont tombées dans le chômage. Nous refusons donc de dériver vers un système de pension par capitalisation, c’est-à-dire à points, lié aux jours travaillés, au budget et à la conjoncture économique.
Notons aussi qu’il faut que la garantie de revenus aux personnes âgées (grapa) soit remplacée par la pension minimum universelle. La grapa est une aide financière pour un minimum de survie pour les plus de 65 ans. Par exemple, j’ai une amie qui touchait 450 euros de pension et qui avait donc accès à cette aide financière qui lui permettait d’arriver à 900 euros par mois. La grapa était octroyée selon certaines conditions : la personne bénéficiaire devait demander une autorisation pour sortir de la Belgique. Cependant, depuis le mois de mai dernier, la situation a empiré. Il faut toujours demander le droit de partir mais en plus les bénéficiaires n’ont pas le droit d’aller en dehors de chez eux plus de 21 jours en tout par an. Les facteurs ont été chargés de vérifier si la personne est présente à son domicile en y sonnant plusieurs fois. C’est scandaleux car c’est comme si l’on mettait un bracelet électronique aux personnes bénéficiaires.
« Nous allons à de grandes manifestations »
Guide Social : Comment concevez-vous vos actions dans l’espace public ?
Danny Degrave : Pour nos actions, nous nous sommes inspirées de celles menées par le groupe Justice Fiscale qui occupe un lieu afin de pointer du doigt le problème qui y réside. Ainsi, nous avons occupé un MacDonald’s et un Apple store avec eux. Le but est de faire réaliser que si ces multinationales payaient leurs impôts, cela créerait des apports d’argents importants pour financer des politiques sociales de meilleure qualité. Par exemple, notre première action à leur coté était d’envahir un Macdo et d’en faire une maison de retraite pour contester le manque de financement octroyés à ces structures par l’Etat. Ce dernier dit que les ressources pour mettre en place une pension universelle minimum n’existe pas. Mais cela est faux car si la volonté politique était vraiment présente, l’État irait chercher ces ressources en luttant contre le fait que les multinationales ne paient pas leurs impôts.
En avril 2018, lors de notre première manifestation, nous nous sommes réunis sur la place de la Liberté pour se diriger vers le bureau du Premier Ministre à qui nous avons déposé une lettre avec l’ensemble de nos revendications. En mai 2019, nous avons réalisé l’enterrement de la sécurité sociale. Nous avons donc suivi un corbillard pour pleurer le décès de la sécurité sociale. Pour bien rappeler qu’il s’agissait d’une manifestation pacifique, nous avons fait des fleurs en papier à donner aux policiers.
Nous sommes apolitiques et souhaitons garder une neutralité politique. Nous allons donc à de grandes manifestations qui regroupent des groupes politiques différents telles que la manifestation de l’an passé du front commun, celle d’Extinction Rebellion et celles des professionnels des soins de santé. Nous apportons notre soutien à ces causes car ce sont des problématiques qui vont fortement impacter la vie des générations futures.
« C’est difficile de faire descendre dans la rue les vieux »
Guide Social : Ces actions rencontrent une certaine visibilité à travers les médias et les réseaux sociaux…
Danny Degrave : Nous n’avons jamais manifesté pour que les choses changent pour nous car il faut être réaliste et il est déjà trop tard pour notre cas. Cependant, nous devons nous battre pour les jeunes. Notre mobilisation pour les jeunes générations est ce qui a en partie amené les médias à particulièrement s’intéresser à nous.
En 2018, nous étions quelques-uns à lancer le mouvement. Facebook nous a beaucoup aidés à faire connaître nos actions parce que l’on n’a pas beaucoup de moyens financiers. Aujourd’hui, le groupe Facebook comptabilise environ 3.500 membres. Dans la vraie vie, 10.000 personnes font partie de l’association et soutiennent la cause. Cependant, nous sommes beaucoup moins nombreux dans les actifs, c’est-à-dire à descendre dans la rue. C’est difficile d’y faire descendre les vieux car ils ont rendez-vous chez le médecin, ils sont malades ou ils n’arrivent plus bien à marcher. Mais certains font l’effort de venir de très loin avec des conditions physiques parfois difficiles. Cela montre leur détermination à manifester et ça nous fait chaud au cœur et nous donne foi dans notre combat.
Propos recueillis par A.T.
Voir l’article original sur le site pro.guidesocial.be ICI