Déboires avec le tout-numérique
Enormément de Vieilles et de Vieux sont victimes du tout-numérique.
Et se révoltent contre lui.
Parce qu’il coûte cher, parce qu’il manipule un jargon souvent incompréhensible et des procédures qui forment un petit monde en soi, parce qu’il empiète sur notre vie privée, et parce qu’il rompt les liens sociaux.
Et aussi parce que, après tout, c’est un droit de résister à la modernité à tout prix, de résister aux GAFAM et autres multinationales du numérique, de préserver une identité qui ne passe pas par la moulinette du conformisme ambiant !
Mais bien sûr, les Vieilles et les Vieux ne sont pas les seuls à souffrir de cette nouvelle norme, imposée sans débat.
De toutes parts, les témoignages affluent.
En voici deux, bien différents, mais à méditer.
Anne M., Manu D. et Pierre M.
Les déboires de Mariette avec la mutuelle et le syndicat
Suite à la pénibilité de son travail, Mariette, qui est haïtienne et vit en Belgique depuis longtemps, a dû se faire opérer. Elle a repris son travail en septembre avec un mi-temps médical pris en charge par la mutuelle. Du moins en théorie. Car jusqu’à aujourd’hui, et ce depuis le 1er septembre, elle n’a touché aucune allocation pour son mi-temps médical. Ses tentatives de contact avec la mutuelle sont bizarres. Il faut dire que Mariette ne sait pas utiliser un PC, et qu’elle dépend de sa fille de 16 ans pour envoyer un mail ou pour d’autres opérations. « Heureusement, j’ai mis de l’argent de côté. Parce que depuis septembre je vis avec 700€ pour subvenir à mes besoins et à ceux de ma fille » Vous me direz que Mariette est un phénomène. Elle a réussi à mettre de l’argent de côté ! Comme sa fille n’est pas toujours disponible, Mariette essaye de téléphoner à sa mutuelle. L’interface lui demande d’attendre… Jusqu’à 1h30 d’attente ! Au bout, aucune résolution en vue. L’attente se prolonge. Un jour, au bout d’une longue attente, Mariette entend une voix humaine. Cette dernière lui dit … qu’elle va recevoir un mail ! Mariette se dit que son syndicat pourrait l’aider. Elle reprend son téléphone. Là, on lui demande de rentrer son n° national, puis … on raccroche. « C’est sans doute une erreur. Je réessaye mais après le n° national le système raccroche toujours ». Elle se rend sur place, les guichets sont fermés. Un jour, elle aperçoit un humain déambulant dans les couloirs. Qui lui dit d’envoyer un mail ! Mariette a le sens de l’humour, ça aide, mais sa situation devient de plus en plus précaire. Et puis, elle s’en fait pour sa fille : « Qu’est-ce qu’elle pense de sa mère, qui ne sait même pas envoyer un mail ? » |
Les déboires de Pierrette, qui gère une agence de voyage indépendante
Bonjour, Je suis retraitée, mais je travaille encore, et je n’ai pas pu rejoindre votre manifestation pour cette raison. Je veux ajouter qu’en plus de la fracture numérique qui concerne une importante partie de la population, moins formée, moins équipée, je peux vous assurer que ce tout au numérique empoisonne aussi la vie professionnelle : plus moyen d’avoir accès à un responsable, donc déresponsabilisation et je-m’en-foutisme généralisé. Que ce soit avec les banques, les administrations comme vous le revendiquez, mais également les compagnies aériennes, qui délaissent les passagers. Je vous parle de mon secteur que je connais en étant certaine que cela se reproduit dans les autres secteurs. J’ai une agence de voyage indépendante, spécialisée dans la billetterie aérienne, que je suis en train de fermer. Je ne peux plus assurer un service que je suis supposée rendre, quand les compagnies aériennes ne répondent plus ou vous orientent vers des call center mal formés et incompétents. Et je ne crois pas que c’est innocent… Les client.e.s qui viennent réserver dans mon agence depuis 3 décennies, veulent être assuré.e.s que leur voyage se passera bien et que, s’il y a un problème, ils ou elles ont une personne à qui s’adresser et qui s’occupera de régler leur problème. Ces client.e.s sont catastrophé.e.s quand je leur annonce que je ferme. Aujourd’hui mon agence sert de paratonnerre au laxisme et à la déresponsabilisation des compagnies aériennes, pourtant soumises à une réglementation qu’elles respectent de moins en moins. Ce comportement est possible et encouragé par la numérisation. Cordialement, |