(3) Les trous dans la raquette du système d’indexation !

Bientôt le retour des soupes populaires ? (Saison 3)

Les raisons de la perte de pouvoir d’achat malgré l’indexation tiennent aux multiples défauts du système actuel d’indexation.

Trois d’entre eux sont relevés par Ph. Defeyt pour Le Soir :

  • l’utilisation de l’indice santé pour calculer l’indexation.
    Cet « indice santé » est une brillante invention des économistes pour camoufler partiellement l’augmentation réelle du coût de la vie, tout en faisant mine de protéger notre santé.
    De quoi ils se mêlent ?
    De fait, l’indice santé exclut du fameux « panier de la ménagère » (le cocktail de marchandises utilisé pour suivre la hausse des prix) des denrées que les consommateurs paient quand même cash : boissons alcoolisées, tabac et carburants
    (voir Statbel https://statbel.fgov.be/fr/themes/prix-la-consommation/indice-sante#documents ).
    Aux prix actuels de l’essence et du diesel, c’est une véritable arnaque de ne pas les prendre en compte pour calculer l’indexation – surtout pour ceux qui sont obligés d’utiliser leur voiture pour aller travailler ou pour conduire les petits-enfants à leurs activités.
  • la non-indexation des barèmes fiscaux :
    comme les indexations augmentent le brut, le bénéficiaire peut se retrouver insidieusement dans une tranche de revenus taxée davantage.
    Donc le net augmente moins que le brut, et une partie de l’indexation accordée de la main droite est reprise de la main gauche !
  • les retards :
    selon les secteurs, les augmentations dues à l’indexation se produisent avec un retard plus ou moins long avec, dans le pire des cas, des indexations qui n’interviennent qu’une fois par an.
    C’est le cas par exemple de la Commission paritaire 200, qui regroupe 60 000 entreprises et 500 000 travailleurs de 30 sous-secteurs hétéroclites (béton, construction, garages, verre, bois, tabac, commerce de gros, centres d’appel, agences de voyage, agences de travail intérimaire, etc.).
    Dans tous les cas, le travailleur ou l’allocataire social tire la langue en attendant l’indexation de ses revenus, alors que les prix ont augmenté allègrement !
  • plus une autre arnaque astucieuse :
    l’utilisation de l’indice santé lissé pour les pensions, les allocations sociales et certains salaires et traitements.
    L’indice lissé est égal à la valeur moyenne des indices santé des 4 derniers mois.
    Avec une inflation de 12% par an, le lissage sur 4 mois fait perdre 2% !
  • en outre, comme pour la fiscalité, les seuils d’attribution de différentes mesures sont franchis sans que cela ne corresponde à aucune augmentation réelle : statut BIM, tarif social du gaz et de l’électricité, attribution de la GRAPA, aide juridique, etc.

Un vieux Gangster en colère nous écrivait il y a quelques semaines :

Je suis belge et retraité depuis 5 ans.
Je constate que le gouvernement belge ne fait rien de concret en adéquation avec le coût de la vie pour les retraités. Ce qui entraîne plus de perte de pouvoir d’achat et de pauvreté dans la classe moyenne dont je fais partie.
En effet, la moyenne de l’inflation en Belgique est de 9.08% pour l’année 2022.
Nos retraites ont été augmentées de 3 fois 2% brut en Mars, Juin et Août 2022 soit 6% brut.
En ce qui me concerne, l’accroissement net de ma retraite à ce jour est de 3.74% après déduction de la cotisation INAMI et du Précompte Professionnel.
Je suppose que nous sommes tous dans le même cas et qu’il est indécent de prélever un précompte professionnel sur les retraites dans cette conjoncture.
Ceci est totalement inacceptable d’avoir un pouvoir d’achat réévalué de 3.74% net alors que l’inflation avoisine le 9.08%.
L’Etat belge se fout de la tête des retraités et les condamne à une perte de pouvoir d’achat qui ne peut que les appauvrir.
Que pouvons-nous faire face à une pléthore de ministres dans ce pays qui bénéficient d’un revenu annuel brut de 237.000 € (pour autant que soit acceptée la proposition de réduction de 20000€ brut annuel) sans compter les autres avantages de la fonction ?
Pouvons-nous envisager une action collective contre le gouvernement ?
Cordialement.

Le « panier de la ménagère » sous-estime la perte de pouvoir d’achat des plus modestes

Outre ces trucs et astuces, il faut questionner la validité du fameux « panier de la ménagère » utilisé pour suivre l’augmentation des prix.

En fait, ce « panier » est un « panier » moyen, qui amalgame les dépenses des plus aisés et des plus modestes, pour faire une « moyenne » qui ne correspond à aucune réalité.

La structure des dépenses diffère selon les revenus

Une étude a comparé les dépenses en 2010 pour les 10% des ménages les plus modestes (décile 1) et les 10% les plus aisés (décile 10)
(voir V. Bodard et J. Hindricks, https://www.regards-economiques.be/index.php?option=com_reco&view=article&cid=126).

Les dépenses des ménages les plus modestes concernent avant tout le logement (29,8%) et la nourriture (16,7%), alors que pour les plus aisés le logement ne représente que 7,9% des dépenses et l’alimentation 14,4%, le transport (avion, voitures, etc.) représente 16,2% de leurs dépenses (contre 7,2% pour les plus modestes), et les loisirs et la culture 15,0% (contre 9,1% pour les plus modestes).

La hausse des prix frappe surtout les plus modestes

Cette étude portait sur une période (2001-2011) pour laquelle l’inflation a été globalement de plus de 25%, donc une inflation non négligeable, mais beaucoup plus faible qu’aujourd’hui.

Comme le montre la figure ci-dessous, cette inflation a frappé le plus fortement les revenus les plus modestes, et de moins en moins à mesure qu’on s’élève dans l’échelle des revenus (tout en restant dans tous les cas supérieure à l’indice santé).

(source : Bodard et Hindricks)

La conclusion est claire :
Le « panier de la ménagère » sous-estime, pour les plus modestes, les dépenses qui souffrent le plus de l’inflation.

Egalement des effets liés à l’âge

Pour information, la même étude a également examiné l’effet de l’inflation selon les tranches d’âge. On constate que l’augmentation du coût de la vie est surtout sensible pour les jeunes et pour les plus âgés. Ce n’est pas surprenant : ce sont les catégories dont les revenus sont les plus modestes : étudiants et, à l’autre bout, chômeurs de longue durée, prépensionnés et pensionnés.

Cette étude faite pour la période 2001-2011 devrait être actualisée, car beaucoup d’indices montrent que la situation des jeunes, notamment, et celle des plus âgés s’est fortement aggravée.

Lire la suite dans
Saison 4 : Pauvreté et inégalités

Pierre Marage

Voilà pourquoi
les Vieilles et les Vieux sont en Colère !

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