Non à l’abus des antipsychotiques ! Non à la camisole chimique pour les Vieux ! 

Si quelqu’un crie ou est agressif, c’est parce qu’il est dans l’inconfort ou la douleur.
Il est tout à fait honteux de le mettre sous camisole. 
Une escarre ? Faim ou soif ? Des draps souillés ou même un cancer non diagnostiqué ?
Comme pour ma maman qui criait de douleur, et à qui on a infligé la camisole chimique et physique, parce qu’elle gênait

M-F D

Une honte nationale dénoncée par la VRT

Le magazine Pano de la VRT, qu’on peut comparer à Investigation sur la RTBF, a diffusé ce 19 octobre une enquête sur l’administration d’antipsychotiques aux personnes âgées dans les maisons de repos et de soins (MRS) et le secteur gériatrique et psycho-gériatrique en Flandre.
Le constat est accablant : un Belge sur trois de plus de 75 ans ingurgite ce genre de substances. Nous avons, à une exception près, le taux de consommation le plus élevé de toute l’OCDE, et cela depuis de nombreuses années !
Après avoir fait la une du New-York Times et du Washington Post pour son indifférence envers sa population âgée pendant la crise du Covid, la Belgique se distingue de nouveau en coiffant le bonnet d’âne à l’international !
Dans un pays qui refuse obstinément de mettre en œuvre le protocole OPCAT[1], il y a de quoi se poser des questions, non ?

Des substances nocives administrées sans le consentement des patients

Souvent administrées en cocktail, ces drogues deviennent particulièrement délétères et dangereuses pour une population fragile et âgée, déclare le professeur Mirko Petrovic du CHU de Gand. Cela provoque des chutes, des syncopes et même le décès prématuré de la personne âgée.
Or le plus souvent, la famille n’est même pas au courant de ce qui se passe. Elle ne peut que constater une dégradation spectaculaire de l’état de son parent, sans pouvoir se l’expliquer.
Ce n’est souvent que de manière fortuite qu’elle apprend après coup qu’on l’a drogué en cachette, en se passant de consentement. Où est la soi-disant « éthique médicale » ?
« Il y a un avant et un après HALDOL » soupire Hilde, qui a vu sa mère perdre toutes ses facultés après un court séjour en gériatrie. « Depuis, elle ne sait plus manger seule et a perdu sa mobilité. On a été forcés de la mettre en MRS (…) Le transport de la clinique à la MRS s’est fait sur un brancard car Maman était devenue une poupée de chiffon. Maintenant elle est en chaise roulante ».
Pareil pour le papa de Peggy. Après dix jours en gériatrie, elle ne reconnaît plus son père. C’est seulement après son retour en MRS qu’on lui demande si elle sait ce qu’on lui a administré : un très fort antipsychotique ! Mais on lui avait tout caché ! Son papa ne s’en remettra pas, et il décèdera deux mois plus tard.
Peggy ne veut pas revivre le même cauchemar avec sa maman. Quand elle apprend que dans sa MRS tout le monde est sous Quetiapine « pour faciliter la vie de tous les jours », elle la change d’endroit et parvient à faire arrêter cette médication « de routine ». Chose rare… « Ma mère est calme…  Alors pourquoi ? »
« Oui ! », acquiesce un infirmier qui veut rester anonyme. « Dans la gériatrie locale, tout le monde est mis d’office sous HALDOL ».
Camisole chimique pour tous !

De la maltraitance pure et simple, sur personnes vulnérables !

Droguer des personnes sans leur consentement et en cachette, c’est un abus qui relève de la maltraitance pure et simple.
Qui plus est, de la maltraitance sur des personnes vulnérables, qui ne sont pas en mesure de se défendre.
Qu’en est-il des droits des patients ? Ne s’appliquent-ils pas aux Vieux et aux personnes désorientées ? A moins, pire encore, que ce ne soit que la pointe de l’iceberg de la maltraitance médicale ?
Anita, nous montre les factures de la MRS où séjournait sa maman. Elle énumère : HALDOL, Risperdal, Risperidone, Clopixol. « On me disait que l’état de santé de Maman était dû à la maladie d’Alzheimer. Je les croyais. Elle n’en avait plus pour longtemps, selon les médecins. Alors pourquoi encore donner tant de médicaments ? », se demande Anita.
Or, miraculeusement, sa mère revient à la vie dès l’arrêt des antipsychotiques. « Alors j’ai compris pourquoi ma mère était recroquevillée dans sa chaise roulante et transformée en zombie. C’était à cause des antipsychotiques. » Alzheimer a bon dos !
« Regardez les factures, elle a eu ces médicaments pendant six ans ! Vérifiez vos factures et les médicaments ! Ce n’est pas pour cela que l’on met nos parents en MRS ! ».
Quelle perte de qualité de vie !

Une spirale infernale

« Il n’y a aucune preuve scientifique que les antipsychotiques marchent sur le long terme. C’est même le contraire », explique le professeur Petrovic.
« On commence à les prescrire. Après un temps, on ne sait plus pourquoi on les a prescrits, ni même qui, et on continue à le faire par habitude », souligne le professeur De Lepeleire, du CHU de Leuven.
Une infirmière ajoute qu’ensuite le médecin prescrit des médicaments contre les effets secondaires des antipsychotiques… Une spirale infernale qui conduit à la mort.
Car ce ne sont pas des sucreries anodines ! D’ailleurs, le professeur De Lepeleire propose d’inscrire une date de fin de traitement dans le dossier médical et de n’utiliser ces substances qu’exceptionnellement et à doses très faibles.

Pallier le manque de personnel ! ?

Une médecin coordinatrice en MRS avoue qu’elle prescrit ces drogues parce que c’est le seul moyen de pallier le manque de personnel.
Ce qui fait bondir Hilde : « HALDOL a rendu ma mère doublement dépendante. Maintenant elle a constamment besoin d’aide. C’est une lourde charge en plus pour le personnel, pas en moins ! Comment peut-on faire cela à un être humain quand on a soi-même une profession médicale ? J’ai la rage au cœur. Pour moi ce sont des médicaments qui tuent nos parents. »
Ne négligeons pas non plus le rôle des firmes pharmaceutiques qui poussent à la consommation. Mais c’est un dossier en soi !

Torture par habitude

Amnesty International l’a dénoncé dans son rapport sur le Covid « Les maisons de repos dans l’angle mort »[2] : « l’utilisation de la contention est déterminée par la pratique du pays plutôt que par les caractéristiques de la personne. L’Italie et la Belgique étant ceux où la pratique de la contention est la plus courante. »
D’ailleurs on ne peut expliquer l’utilisation d’antipsychotiques à des taux ahurissants en Belgique seulement par le manque de personnel, quand les pays limitrophes et les Scandinaves en utilisent deux fois moins.
Torture par habitude, voilà les mots qu’il faut employer. La Belgique bat encore un sinistre record…

Se battre pour des alternatives !

Il existe bien un plan pour réduire l’utilisation des antipsychotiques, mais seulement une quarantaine de MRS sur 850 en Flandre ont choisi cette voie.
« Ici », nous explique le psychologue de « Leiehome » à Drongen, « nous avons décidé de travailler autrement depuis longtemps. »
La caméra de Pano se dirige vers une charmante dame de 85 printemps qui récite par cœur un poème en français appris dans sa jeunesse, tout en sirotant son café. Sa fille raconte : « Dans son ancienne MRS on augmentait sans cesse les doses. Quand par hasard, j’ai entendu qu’on lui administrait des doses « comme pour terrasser un éléphant » et qu’elle n’était pas encore « à plat », j’ai décidé de venir à Leiehome. Ici, elle est redevenue elle-même, malgré la maladie d’Alzheimer. »
« Oui ! », conclut Katrien Gilles du projet Odette : « La Belgique est vraiment un pays à pilules. Il faut vraiment arrêter de croire que ces médicaments vont tout résoudre. »
Mais comme le soulignent les enquêteurs de Pano, le problème ne va pas disparaître de lui-même.
L’INAMI se réveille enfin, et se prépare à sortir (en 2023) de nouvelles directives dans lequel il est indiqué que ce type de médicaments n’a qu’exceptionnellement sa place en MRS, et qu’il faudra demander l’autorisation de la famille et du patient avant de l’administrer, en spécifiant bien les risques encourus. Ce qui confirme les biais de la situation actuelle…
Il est à espérer que ces nouvelles directives, pour une fois, ne resteront pas lettres mortes !

Marie-France D.


[1] voir https://gangdesvieuxencolere.be/2022/10/prevention-de-la-torture-et-protection-des-vieux-que-le-gouvernement-belge-se-bouge-enfin/

[2] https://www.amnesty.be/IMG/pdf/20201116_rapport_belgique_mr_mrs.pdf

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