Torture et traitements inhumains et dégradants : le projet Van Quickenborne est très insuffisant !

Le journal Le Soir du 11 juillet 2023 met les pieds dans le plat (voir l’article complet ICI) :

« Qu’ont en commun la France, l’Albanie, l’Azerbaïdjan, la Hongrie ou encore le Danemark, mais pas la Belgique ? »

C’est que, explique le journal, ces états (pas tous très démocratiques pourtant !) disposent d’un Mécanisme National de Prévention contre la torture (MNP), conformément aux exigences de l’OPCAT, le Protocole des Nations Unies contre la torture, adopté en 2002 et que la Belgique a signé en… 2005 (voir notre article ICI ).
Mais sans mise en application depuis ! (voir notre autre article ICI )

Un projet gravement insuffisant !

« Bonne nouvelle », apparemment : le ministre Van Quickenborne (Open VLD, Justice) a enfin préparé un avant-projet de loi visant à créer ce fameux MNP.
Mais son projet est gravement insuffisant !
Van Quickenborne est pressé d’agir et prévoit tous les détails quand il s’agit de réprimer le droit de manifester (voir ICI ). Mais pas quand il s’agit de lutter contre la torture et les mauvais traitements !

« Douche froide et lettre à l’ONU »

Sous ce titre, Le Soir répercute les graves critiques adressées au projet Van Quickenborne par la Coalition OPCAT, qui regroupe toute une série d’associations, dont l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), la Ligue des Droits humains, le Centre d’Action Laïque, Défense des Enfants international, l’Observatoire des Prisons, et le Gang des Vieux en Colère.

La Coalition a adressé une lettre ouverte au Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Elle relève notamment :

  • en premier lieu, il ne s’agit pas d’un mécanisme national puisqu’il ne concerne en réalité que les lieux de privation de liberté qui relèvent de la compétence fédérale ;
  • en second lieu, l’avant-projet de loi fait référence aux « lieux de privation de liberté » et non à tous les lieux, de quelque nature qu’ils soient, où des personnes se trouvent privées de liberté. Aussi, de nombreux lieux continueront de ne faire l’objet d’aucun contrôle pendant une durée indéterminée, notamment les maisons de repos.

Il faut un mécanisme vraiment national !

Il aura fallu près de 20 ans pour que, enfin, un projet de loi instituant le MNP soit mis sur la table.
Mais l’absence d’accord vraiment national, liant également les entités fédérées, régions et communautés, remet largement en cause son efficacité.

Le Cabinet Van Quickenborne cherche des excuses : « L’intention est de conclure un ou plusieurs accords de coopération avec les entités fédérées afin d’assurer une surveillance préventive Opcat complète. »

Mais le ministre ne met aucune pression sur les autres niveaux de pouvoir !
Il continue à se réfugier derrière la « complexité institutionnelle » belge pour rester passif, et il n’y a toujours pas de calendrier pour un accord interfédéral.
A l’inverse de sa loi liberticide et contraire au droit constitutionnel de manifester !

Se soucier de toutes les personnes privées de liberté et exposées à des traitements cruels, inhumains ou dégradants

Dans une interview au Soir, notre ami Christophe d’Aloisio, président de l’ACAT, souligne l’évidence : pour que l’outil soit véritablement efficace, il faut que les représentants du MNP puissent se rendre partout où une personne peut être privée de liberté.
« Par exemple, les maisons de repos et de soins sont devenues des lieux où des personnes peuvent être privées de liberté. On y subit parfois des traitements dégradants. Or elles dépendent des Régions. »

Le Gang des Vieux en Colère insiste en effet pour que soit pleinement couvert l’objet de l’OPCAT : non seulement les lieux de détention fédéraux, mais tous les lieux où des personnes sont privées de liberté et exposées des traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont les maisons de repos / et de soins et les hôpitaux, en particulier les sections gériatriques et psychiatriques.

Combien de morts encore ?

Comme le rapporte Le Soir, Christophe d’Aloisio regrette le temps perdu :
« Nous avons critiqué l’absence de Mécanisme National de Prévention à chaque mort survenue dans un commissariat » dit-il, en mentionnant l’affaire Sourour Abouda, troisième personne décédée dans un même commissariat bruxellois entre janvier 2021 et janvier 2023 (voir ICI ).
« Je ne dis pas que cette femme ne serait pas morte si un MNP avait existé. Mais avoir eu des visites préventives dans ces différents endroits aurait permis de mettre en évidence certaines conditions qui rendent plus risquées la privation de liberté.
 »

Pour un MNP unique, fort, indépendant, aux compétences vraiment nationales

Le Gang, avec les autres membres de la Coalition, veut d’urgence un MNP unique, fort, indépendant, doté d’une totale liberté d’action dans le cadre des contrôles qu’il sera amené à effectuer de manière tant régulière qu’inopinée, pour toutes les personnes privées de liberté et exposées à des traitements cruels ou dégradants, partout en Belgique.

Photo Le Soir
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